Ambition Bio 2017 : une dynamique nouvelle pour l’agriculture biologique en Alsace

30 juillet 2025

Un élan national pour l’agriculture biologique : naissance et ambition du programme

En 2013, alors que la demande de produits bio explose et que l’agriculture française s’interroge sur son avenir, le ministère de l’Agriculture lance le programme Ambition Bio 2017. L’objectif ? Passer à la vitesse supérieure pour le développement de la bio sur tout le territoire, au-delà des engagements individuels ou locaux. Ce plan traduit une reconnaissance officielle des enjeux alimentaires, environnementaux et économiques du bio, en y associant l’ensemble des acteurs : producteurs, coopératives, régions, collectivités.

L’Ambition Bio 2017 ne se limite pas à soutenir la conversion des fermes. Il vise un changement d’échelle, structuré autour de six priorités stratégiques :

  • Développer la production
  • Soutenir la structuration des filières
  • Promouvoir la consommation
  • Renforcer la recherche et le transfert de connaissances
  • Soutenir l’organisation économique et l’export
  • Mieux communiquer sur les atouts de la bio

Pour la première fois, des objectifs chiffrés sont fixés : atteindre au moins 8% de surfaces agricoles certifiées bio en 2017 (contre 3,8% fin 2012 en France). Près de 160 millions d’euros sont mobilisés au niveau national pour porter cette ambition, sans compter les aides européennes du FEADER et celles des Régions (source : Ministère de l'Agriculture, 2013).

L’Alsace face au défi : état des lieux bio avant 2017

Longtemps, l’agriculture alsacienne a évolué en marge des grandes dynamiques bio nationales. Historiquement, la région s’illustre cependant par les pionniers de la viticulture bio – dès les années 1970 – et par la curiosité d’une part croissante d’agriculteurs pour ces démarches. Mais avant 2017, l’Alsace fait figure de bon élève modeste : 1 050 exploitations biologiques en 2013, soit environ 7,7% des exploitations, avec 9 915 hectares certifiés, représentant 4,4% de la SAU régionale (source : Agence BIO, chiffres-clés 2013).

Quelques spécificités clés du bio en Alsace à la veille d’Ambition Bio 2017 :

  • La viticulture bio occupe une place centrale : en 2015, plus de 1 700 hectares de vignes sont cultivés en bio, soit 16% du vignoble alsacien – un record national ! (source : Interprofession des Vins d’Alsace – CIVA).
  • Le poids du maraîchage et l’essor d’élevages laitiers bio, orientés vers la transformation fromagère locale.
  • Une structuration de la filière encore perfectible, avec quelques coopératives engagées et des circuits de commercialisation à renforcer.

Comment Ambition Bio 2017 s’est décliné dans la réalité alsacienne

Des moyens renforcés et des objectifs adaptés

En Alsace, Ambition Bio 2017 devient un accélérateur de tendances et une boussole commune. La région bénéficie, grâce à sa tradition bio et son ancrage transfrontalier, d’un accompagnement particulier et d’un soutien régional renforcé. L’État cofinance avec la Région (à l’époque, avant la fusion Grand Est) :

  • Les aides à la conversion et au maintien bio, via la PAC et le FEADER
  • La structuration du réseau "Bio Grand Est" et le soutien aux groupements d’agriculteurs
  • Des appels à projets pour développer la transformation locale des productions bio (meunerie, lait, légumes, etc.)
  • Des programmes de recherche appliquée, en lien notamment avec l’INRA de Colmar et le réseau des chambres d’agriculture

Parmi les objectifs alsaciens affichés :

  1. Pousser la SAU bio au-dessus de la moyenne nationale et atteindre 12% du territoire régional à horizon post-2017
  2. Renforcer la place du bio dans la commande publique (cantines, collèges, hôpitaux)
  3. Soutenir la transmission des fermes bio pour rajeunir la population agricole
  4. Structurer des filières à haute valeur ajoutée (vins, fromages, céréales anciennes, houblon bio…)

Des actions concrètes sur le terrain

Sur le vignoble, Ambition Bio 2017 se traduit par une intensification des formations sur les pratiques alternatives de gestion du sol, de la vigne et de la biodiversité. Des journées de démonstration sur la traction animale refont surface autour de Colmar, tandis que les essais de nouveaux cépages résistants se multiplient (avec, par exemple, le cépage Floreal en expérimentation). Les syndicats de vignerons orientent aussi leur communication sur l’essence écologique du terroir alsacien, mettant en avant la qualité plutôt que la quantité.

Côté grandes cultures, des collectifs testent de nouvelles rotations et l’introduction de légumineuses pour améliorer l’autonomie azotée. Dans la plaine, on voit naître les premières collaborations avec des transformateurs régionaux qui commencent à s’approvisionner localement, démarche encouragée par les appels à projets régionaux. Les filières bio alsaciennes se professionnalisent, passant d’un marché de niche à un modèle plus structuré.

Chiffres et impacts majeurs d’Ambition Bio 2017 en Alsace

Sur la période 2013-2017, la progression du bio alsacien est nette :

  • Le nombre d’exploitations bio passe de 1 050 à près de 1 400 en 2017 (+33% !)
  • La SAU bio atteint 14 500 hectares fin 2017, soit 6,2% de la SAU régionale (sources : Agence BIO, chiffres 2017 et DRAAF Grand Est).
  • Le vignoble bio représente 23% des surfaces totales de vigne alsacienne en 2017, loin devant la moyenne nationale (source : CIVA).

Cette dynamique s’appuie beaucoup sur :

  • L’attrait des jeunes installés : 26% des installations agricoles aidées en Alsace entre 2015 et 2017 sont en bio (source : Chambre d’agriculture d’Alsace).
  • Une croissance spectaculaire du bio en restauration collective : dans les collèges du Bas-Rhin, la part de produits bio servis passe de 2% à 8% entre 2014 et 2017. Certaines villes comme Strasbourg ou Mulhouse atteignent même jusqu’à 20% de bio local dans leurs cantines.
  • L’essor d’associations locales qui favorisent le lien entre producteurs et consommateurs (marchés paysans, magasins de producteurs, AMAP...)

Des obstacles persistants mais une dynamique enclenchée

Les ambitions nationales se heurtent parfois à la réalité régionale. Le climat alsacien, ponctué d’épisodes de pluie intense et d’étés secs, pose toujours le défi du mildiou en vigne et du désherbage mécanique sur grandes cultures. Les exploitants bio doivent souvent affronter les incertitudes économiques : prix du foncier élevé, volatilité des débouchés, raréfaction de la main-d’œuvre et difficulté d’accès aux outils de transformation. Le programme Ambition Bio 2017 n’apporte pas toutes les réponses, mais contribue à mutualiser les expériences et à faire progresser la reconnaissance sociétale du bio.

Parmi les limites les plus fréquemment évoquées en Alsace :

  • La difficulté à élargir la bio aux grandes cultures et à l’élevage intensif, où le changement demande des investissements lourds
  • La dépendance persistante à des importations bio dans certaines filières (ex : soja, céréales), défi que la structuration des filières tente de relever

Des témoignages du terrain : la bio, levier d’innovation en Alsace

Nombre de vignerons, maraîchers ou céréaliers engagés dans Ambition Bio 2017 témoignent d’une vraie révolution culturelle. Pour beaucoup, le partage d’expérience – que ce soit via les journées techniques inter-filières, les réseaux d’accompagnement locaux ou simplement autour d’un verre lors de la Foire Eco-Bio de Colmar – est l’une des grandes réussites du programme.

Certains syndicats viticoles confient que la dynamique bio ouvre de nouvelles perspectives, en misant sur des techniques innovantes, parfois oubliées : compost, décoctions de plantes, valorisation de cépages anciens, ou encore restauration de haies dans la plaine du Rhin. Chez les maraîchers, on cite souvent l’exemple de magasins de producteurs ayant vu leur chiffre d’affaires bondir de 30% sur trois ans, à la faveur d’une demande locale croissante et d’une offre mieux structurée (source : Chambre d’agriculture Grand Est, témoignages recueillis lors des rencontres OPABA 2018).

Perspectives : le sillon ouvert par Ambition Bio 2017 pour le futur bio alsacien

Ambition Bio 2017 marque un tournant pour la bio alsacienne. Si tous les objectifs n’ont pas été atteints – la barre nationale des 8% de SAU étant dépassée dans quelques filières mais pas à l’échelle globale de la région avant 2017 – la dynamique enclenchée reste remarquable. L’initiative a permis aux filières bio alsaciennes de gagner en structuration, visibilité et crédibilité face aux institutions et au grand public.

L’impulsion donnée a inspiré les programmes qui ont suivi, à commencer par “Ambition Bio 2022” puis les efforts récents autour du “Plan Stratégique National PAC 2023-2027”. L’expérience alsacienne montre à la fois la capacité des agriculteurs à se saisir de l’innovation et la nécessité de politiques publiques visionnaires, locales, capables d’intégrer la réalité du terrain. Le chemin de la bio, en Alsace comme ailleurs, s’écrit jour après jour au cœur de chaque parcelle, chaque chai, chaque ferme.

Pour aller plus loin :

En savoir plus à ce sujet :