Le réseau dynamique derrière l’agriculture biologique en Alsace

22 juin 2025

Les institutions publiques, piliers de l’accompagnement

La Chambre d’agriculture d’Alsace

Première interlocutrice des agriculteurs, la Chambre d’agriculture d’Alsace joue un rôle de catalyseur depuis plus de vingt ans. Son service spécialisé accompagne les conversions, dispense des formations, organise des groupes d’échanges de pratiques ou encore anime le réseau des fermes de démonstration. Selon la Chambre elle-même, plus de 1 600 exploitations bas-rhinoises et haut-rhinoises étaient engagées en bio ou en conversion en 2023 (source : Chambre d’agriculture Alsace).

  • Conseil technique adapté à chaque filière (viticulture, grandes cultures, arboriculture…)
  • Organisation de journées techniques, notamment sur la gestion des sols, les maladies de la vigne, l’agroforesterie
  • Accompagnement aux démarches administratives pour les aides à la conversion et au maintien

Les collectivités territoriales : Région, Départements et Communautés de communes

La Région Grand Est finance une part importante de la politique bio alsacienne. Son Plan Bio régional, adossé au Plan Ambition Bio national, vise une croissance régulière des surfaces et de la consommation locale. D’après la Région, le soutien alloué au secteur a atteint 19,3 millions d’euros entre 2018 et 2022 (source : Région Grand Est, rapport "Soutien à l’Agriculture Biologique").

Les Départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin mettent l’accent sur l’introduction du bio dans les cantines, en partenariat avec les agriculteurs locaux et via des appels à projets. Certaines Communautés de communes (comme l’Eurométropole de Strasbourg) pilotent aussi des dispositifs de soutien au maraîchage bio périurbain ou à l’accès au foncier pour de jeunes installés.

Associations et réseaux de producteurs : un ancrage quotidien

OPABA : l’historique de la filière bio alsacienne

Créée en 1971, l’Association pour la Promotion de l’Agriculture Biologique en Alsace (OPABA) a structuré l’agriculture biologique régionale bien avant qu’elle ne devienne un enjeu national. Elle anime aujourd’hui Bio en Grand Est, fédère plus de 1 500 exploitations et pèse de manière décisive dans le dialogue avec les pouvoirs publics. Sa mission :

  • Porter la voix des producteurs bio
  • Informer, former (avec plus de 80 journées d’échanges chaque année), accompagner les conversions
  • Promouvoir la bio dans la restauration collective, les marchés et auprès des écoles

En 2023, OPABA/Bio en Grand Est a accompagné près de 350 nouvelles fermes en conversion (source : Bio en Grand Est, rapport annuel 2023).

Les groupements de producteurs : force collective

Les CUMA bio (Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole), GIEE (Groupements d’Intérêt Économique et Environnemental) et AMAP régionales sont autant de leviers de mutualisation et de partage, du matériel jusqu’à la commercialisation. Les filières viticoles, céréalières et maraîchères bio alsaciennes disposent ainsi de réseaux permettant :

  • l’achat groupé de semences ou d’intrants autorisés en bio
  • la gestion de parcelles collectives en expérimentation (par exemple, essais de nouveaux porte-greffes résistants au mildiou)
  • l’échange de matériel de désherbage mécanique adapté au bio

Les instituts techniques : ancrés dans la recherche et l'expérimentation

Institut de l’Agriculture et de l’Alimentation Biologiques (ITAB)

L’ITAB est le référent national pour l’expérimentation en bio : il travaille main dans la main avec les équipes régionales alsaciennes sur les problématiques concrètes (résistance aux maladies, alternatives aux traitements cuivre, etc.). Il publie des fiches techniques et organise, plusieurs fois par an, des visites de parcelles en lien avec la Chambre d’agriculture et les associations locales (source : itab.asso.fr).

L’Institut National de la Recherche Agronomique (INRAE) Colmar

À Colmar, l’INRAE mène depuis vingt ans des programmes sur les variétés de vigne résistantes (PIWI), les sols vivants, la biodiversité au vignoble. Les essais sur les cépages résistants, menés en lien avec des domaines bio alsaciens, sont aujourd'hui une référence. Les résultats sont régulièrement diffusés lors de journées portes ouvertes et via des publications accessibles.

L’IFV Pôle Alsace – Institut Français de la Vigne et du Vin

L’IFV, avec son pôle alsacien, accompagne les exploitations viticoles vers des pratiques innovantes, souvent plus écologiques. Il pilote notamment des essais sur la gestion des adventices sans herbicides et accompagne les vignerons bio via :

  • Des bulletins techniques périodiques sur la pression maladies, les innovations en protection raisonnée et bio
  • Des démonstrations d’outils de travail du sol à faible impact

Aides financières et dispositifs d’accompagnement

Les aides PAC et régionales

Le soutien public européen (FEADER via la PAC) reste la colonne vertébrale du financement : l’aide à la conversion biologique peut atteindre 300 à 350 €/ha/an en viticulture, sur cinq ans, complétée par une aide au maintien (environ 170 €/ha/an, montants 2023, source : Ministère de l’Agriculture). La Région Grand Est surabonde parfois ces sommes, notamment pour les plus petites structures.

Une anecdote fréquente : plusieurs vignerons bio alsaciens ont ainsi réussi à transformer des parcelles historiques – parfois jugées ingérables en conventionnel par le passé – grâce à ces aides couplées à de la formation et à l’assistance technique.

Labels, certifications et contrôles

L’accompagnement n’est pas qu’économique : les organismes certificateurs (Ecocert, Bureau Veritas, Agrocert…) facilitent l’accès aux labels (AB, Demeter, Nature & Progrès) et forment à la réglementation. En Alsace, plus de 15% des surfaces viticoles sont certifiées bio ou en conversion (source : Agence Bio, chiffres 2023).

Rôle des distributeurs, grands chefs et entreprises locales

Au-delà des institutions et du monde agricole, tout un pan de la société alsacienne se mobilise : distributeurs bio indépendants, coopératives (Wolfberger, Weinburg, Cave de Turckheim…) et restaurateurs étoilés valorisent les produits locaux certifiés. Le partenariat entre producteurs et restaurateurs, mis à l’honneur lors de l’opération « L’Alsace fête le Bio » (plus de 50 points de vente et restaurants participants en 2023, source : OPABA), a donné une nouvelle visibilité au bio régional.

Quelques collaborations marquantes, reflets de la vitalité régionale

  • Le projet BioVallée, autour des vallées alsaciennes, rassemble collectivités, agriculteurs, transformateurs et associations pour développer filières courtes et maintien de la biodiversité.
  • La création en 2018 d’un Centre de Ressources régional sur l’agriculture biologique à Obernai, en lien avec l’OPABA et la Chambre d’agriculture, qui centralise plateformes d’essais, documentation et formations.
  • L’action des CIVAM bio (Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture), porteurs d’expérimentations sur le semis direct, l’agroécologie, ou encore les couverts végétaux en viticulture.

Nouveaux enjeux et perspectives

Si l’agriculture bio alsacienne a franchi le cap des 2 350 fermes fin 2023 (source : Agence Bio), elle est confrontée à des défis nouveaux : volatilité des prix, accès au foncier, adaptation au changement climatique. Les partenaires institutionnels sont appelés à renforcer leur soutien pour maintenir la dynamique, avec une attention accrue à l’innovation, au renouvellement des générations, et à la structuration de réseaux locaux.

Des initiatives émergent, telles que les fermes pilotes pour l’agriculture régénérative, les plateformes de financement participatif pour jeunes installés, ou la création de circuits courts numériques appuyés par la Chambre d’agriculture et les collectivités. L’équilibre entre exigences de production et attentes sociétales reste la ligne directrice d’un accompagnement de plus en plus sur-mesure – reflet aussi de la diversité des terroirs alsaciens.

Les partenaires et institutions alsaciens forment ainsi un maillage étroit, essentiel au dynamisme et à la résilience du bio régional. À l’image de la biodiversité d’un sol vivant : chaque acteur a sa place, sa fonction spécifique, et c’est dans leur interaction que s’invente, jour après jour, l’avenir de l’agriculture biologique en Alsace.

En savoir plus à ce sujet :